Ma première truite
Alexis prit sa ligne. Une sauterele, légèrement piquée, sautillait au bout. Il lança le fil ; j’en fis autant. Mon amorce n’était pas dans l’eau que : vlouff ! j’entends un formidable saut, et ma gaule, tire violemment, s’abat dans les herbes.
- Raté ! dit une voix moqueuse.
- Qu’est-ce que c’est ?
- Une truite, pardi ! Il ne faut pas lui laisser le temps de souffler l’amorce : on ferre tout de suite... Oh ! inutile de recommencer ; elle ne reviendra pas.
J’étais honteux et colère de ma maladresse, et je craignais qu’Alexis fût fâché.
- Allons plus loin, dit-il, en jetant un coup d’oeil circulaire. Nous recommençons dans un tournant, tapis derrière les roseaux.
- Ça mord, dis-je d’une vois étouffée, le coeur battant. Mon fil se promenait à droite et à gauche, courbant le scion (*).
- Tire ! tire ! dit Alexis... Ne lui laise pas faire ce qu’elle veut !
Je tirai. Un clapotis violent, un éclair de lumière et, au bout de mon fil, se tordait un poisson étincelant. Mais j’avais ferré si fort que ma ligne avait sauté dans les branches. La truite restait suspendue à un arbre et gigotait. J’allais grimper pour l’atteindre quand elle se décrocha et tomba dans l’herbe.
Gabriel Maurière (Peau de pêche)
(*) scion : (1) Petit brin, petit rejeton tendre et très flexible d’un arbre, d’un arbrisseau.
- Deuxième âge de l’oeil, développement du bourgeon ; le développement du scion s’appelle rameau.
- Jeune branche destinée à être greffée.
- Baguette pour battre, fustiger.
Parlez :
1/ Alexis prit sa ligne. Qu’y avait-il au bout ? Que fit Alexis ? et moi ?
2/ Racontez la première attaque. Répétez le dialogue.